Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 24 mai 2017, 16-15.724, Publié au bulletin
N° de pourvoi
16-15724
ECLI:FR:CCASS:2017:C200743
Mme Flise
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Compagnie pétrochimique de Berre du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 février 2016, RG n° 15/11889) que la société Compagnie pétrochimique de Berre (la société) a fait l'objet d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ; qu'à la suite de ce contrôle, l'URSSAF a adressé à la société une lettre d'observations portant redressements et observations pour l'avenir ; que la société a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'annulation des observations pour l'avenir relatives à son accord d'intéressement, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale, un cotisant peut opposer à une URSSAF l'interprétation admise par une circulaire publiée ; que la Circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale, publiée au journal officiel n° 255 du 1er novembre 2005, prévoit dans sa fiche n° 5, relative à la répartition de l'intéressement prévue par accord d'intéressement, que "la définition du salaire peut également intégrer un plancher et/ou un plafond destiné à atténuer la hiérarchie des rémunérations" ; que conformément à l'article L. 243-6-2 précité, dont se prévalait l'exposante, cette dernière pouvait dès lors opposer à l'URSSAF l'interprétation de l'article L. 3314-5 du code du travail retenue par la circulaire ministérielle publiée du 14 septembre 2005 selon laquelle la pratique consistant en l'application d'un montant plafond et/ou plancher dans la détermination de la rémunération prise en compte pour le calcul de l'intéressement est valable, dès lors qu'elle a pour but d'atténuer les différences de rémunération pouvant exister entre les salariés, et ne remet pas en cause le principe de répartition proportionnelle de l'intéressement ; qu'en refusant de faire application de cette interprétation de la loi prévue par la circulaire publiée, qui était pourtant opposable à l'URSSAF, et en retenant "qu'il est inopérant dès lors que la société Compagnie pétrochimique de Berre argue que son accord d'intéressement serait conforme à la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005", la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 et L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale et les articles L. 3312-4 et L. 3314-5 du code du travail, ensemble la Circulaire interministérielle publiée du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale ;
Mais attendu, selon l'article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale, que le redevable ne peut opposer à l'organisme de recouvrement l'interprétation de la législation relative aux cotisations et contributions sociales admise par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale publiée, selon les modalités qu'il précise, que pour faire échec au redressement de ses cotisations et contributions par l'organisme fondé sur une interprétation différente ;
Et attendu que l'arrêt constate que la société arguait de l'opposabilité de la circulaire du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale à l'appui de sa demande d'annulation des observations pour l'avenir de l'URSSAF portant sur son accord d'intéressement, ce dont il résulte nécessairement que sa demande n'entrait pas dans les prévisions des dispositions susmentionnées ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi incident ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la société Compagnie pétrochimique de Berre aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Compagnie pétrochimique de Berre et la condamne à verser à l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie pétrochimique de Berre.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société COMPAGNIE PETROCHIMIQUE DE BERRE de sa demande d'annulation des redressements n° 2 et des observations pour l'avenir au titre de la répartition de l'intéressement entre les salariés et d'AVOIR rejeté la demande de remise gracieuse des majorations de retard ;
AUX MOTIFS QUE « lors du contrôle il a été relevé que « l'entreprise a conclu un accord d'intéressement concernant les exercices 2007 à 2009 (reconduit pour la période de 2010 à 2012)
. (qui) prévoit dans ses termes une répartition effectuée pour moitié en fonction du salaire brut du salarié et pour moitié en fonction d'une somme fixe proratisée au temps de travail de l'employé. L'étude de l'accord et des versements effectués par l'entreprise laisse apparaître que le salaire brut de référence pris pour base dans le calcul de l'intéressement individuel ne peut être inférieur à un plafond annuel de sécurité sociale. Cette mention a pour effet de favoriser les salaires inférieurs à un PASS et ne respecte pas la règle de stricte proportionnalité de la répartition de l'intéressement. Après vérification, il apparaît que l'entreprise n'a pas été informée de la non-conformité de son accord. De fait aucun redressement n'est opéré à ce titre. En revanche il est demandé à l'employeur de se conformer à l'avenir sur la législation en vigueur sur ce point » ; Que la SAS COMPAGNIE PETROCHIMIQUE DE BERRE fait grief au jugement de ne pas l'avoir entendu en sa demande sur ce point alors que sa formule d'intéressement est conforme à la tolérance ministérielle, que la DIRECCTE ne lui a jamais fait aucune remarque, que la pratique de la fixation d'un plancher et/ou d'un plafond dans la détermination du critère du salaire est autorisée par la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 laquelle est opposable à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales ; Que l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales PACA s'oppose à ces prétentions ; Attendu que selon l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail ; que par dérogation à ce principe, l'article L. 3312-4 du code du travail prévoit que les sommes attribuées aux salariés en application d'un accord d'intéressement n'ont pas le caractère de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ; Que selon l'article L. 3314-5 du code du travail, la répartition de l'intéressement s'effectue soit de manière uniforme, soit de manière proportionnelle calculée en fonction du salaire ou de la durée de présence du salarié dans l'entreprise soit en utilisant conjointement ces critères ; Qu'en tout état de cause, la répartition de l'intéressement doit se faire en application d'une proportionnalité rigoureuse ; Attendu que l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales PACA démontre que l'accord d'intéressement litigieux en ce qu'il prévoir une répartition de l'intéressement pour moitié en fonction du salaire brut (lequel ne peut pas être inférieur au plafond annuel de sécurité sociale) et pour moitié en fonction d'une somme fixe proratisée au temps de travail du salarié, a pour effet en se référant à ce plafond, de ne pas respecter le principe de proportionnalité de la répartition de l'intéressement individuel dans des conditions contraires à la volonté du législateur ; Qu'il est inopérant dès lors que la COMPAGNIE PETROCHIMIQUE DE BERRE argue que son accord d'intéressement serait conforme à la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « Ainsi que le rappellent les textes versés aux débats par la Société requérante, « la répartition de l'intéressement doit se faire en application d'une proportionnalité rigoureuse » et « ne peut conduire à faire échec à cette proportionnalité voulue par le législateur » ; Il est constant que le salaire brut de référence dans le calcul de l'intéressement individuel ne peut pas être inférieur au plafond annuel de Sécurité Sociale, ce que ne respecte pas le salaire de référence prévu par l'accord de 2007 ; La circonstance que l'administration compétente n'ait pas émis de remarque lors du dépôt de cet accord en 2007 ne dispense pas l'entreprise concernée de l'obligation de se conformer pour l'avenir à la législation en vigueur ; L'observation pour l'avenir est donc justifiée légalement » ;
ALORS QU'en vertu de l'article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale, un cotisant peut opposer à une URSSAF l'interprétation admise par une circulaire publiée ; que la Circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale, publiée au journal officiel n° 255 du 1er novembre 2005, prévoit dans sa fiche n° 5, relative à la répartition de l'intéressement prévue par accord d'intéressement, que « la définition du salaire peut également intégrer un plancher et/ou un plafond destiné à atténuer la hiérarchie des rémunérations » ; que conformément à l'article L. 243-6-2 précité, dont se prévalait l'exposante, cette dernière pouvait dès lors opposer à l'URSSAF l'interprétation de l'article L. 3314-5 du code du travail retenue par la circulaire ministérielle publiée du 14 septembre 2005 selon laquelle la pratique consistant en l'application d'un montant plafond et/ou plancher dans la détermination de la rémunération prise en compte pour le calcul de l'intéressement est valable, dès lors qu'elle a pour but d'atténuer les différences de rémunération pouvant exister entre les salariés, et ne remet pas en cause le principe de répartition proportionnelle de l'intéressement ; qu'en refusant de faire application de cette interprétation de la loi prévue par la circulaire publiée, qui était pourtant opposable à l'URSSAF, et en retenant « qu'il est inopérant dès lors que la SAS COMPAGNIE PETROCHIMIQUE DE BERRE argue que son accord d'intéressement serait conforme à la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 », la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 et L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale et les articles L. 3312-4 et L. 3314-5 du code du travail, ensemble la Circulaire interministérielle publiée du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le chef de redressement n° 4 relatif aux frais professionnels et indemnités kilométriques d'un montant de 27.084 ¤ ;
AUX MOTIFS QUE l'inspecteur en charge du contrôle a observé que la société Compagnie Pétrochimique de Berre finance un système de transport ouvert à l'ensemble de ses salariés mais qu'outre cet avantage certains chefs de service (8) se voient également rembourser les indemnités kilométriques domicile-lieu de travail alors qu'aucun élément probant ne permet de justifier que ces salariés ne peuvent bénéficier des transports mis en place par l'entreprise ce qui conduit à devoir réintégrer l'ensemble des sommes non justifiées dans l'assiette des cotisations ; que pour contester la pertinence de ce redressement, la société Compagnie Pétrochimique de Berre fait valoir que les 8 salariés en question sont cadres dont les horaires de travail sont incompatibles avec les horaires des transports collectifs notamment au regard du dernier ramassage qui intervient le soir à 16 h 30 ; que l'URSSAF PACA observe que la déduction des frais professionnels de l'assiette des cotisations de sécurité sociale constitue une exception à la règle de l'assujettissement des sommes et avantages versés à l'occasion du travail de sorte que la qualification de remboursement de frais professionnels doit être retenue de manière limitative, alors que l'appelante ne rapporte pas la preuve de ce que l'indemnité qu'elle verse est utilisée conformément à son objet ; que selon l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale peuvent être exclues de l'assiette des cotisations les indemnités représentatives de frais professionnels au sens de l'arrêté du 20 décembre 2002 ; que la société Compagnie Pétrochimique de Berre démontre par les pièces qu'elle produit en cote 13 à 15 que les horaires de transports collectifs desservant le bassin aixois à l'usage de ses salariés s'achèvent au plus tard à 16 h 52, ce qui peut nécessairement créer une gêne importante pour les 8 salariés concernés qui exercent tous une activité de cadre au coefficient de 660 à 880 K de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole, ce qui implique une grande autonomie dans l'organisation de leur temps de travail, lequel met à leur charge le management d'équipes plus ou moins importantes (de 2 à 176 personnes) lesquelles contraintes sont nécessairement chronophages et incompatibles avec le service régulier des transports collectifs, que les 8 salariés ont au demeurant attesté utiliser cette indemnité conformément à son objet pour assurer leur déplacement entre leur lieu de domicile et l'entreprise ; que ces éléments suffisent à établir la pertinence de la demande de l'appelante sur ce point ; qu'il convient de faire droit à la demande d'annulation de ce chef de redressement et le jugement sera réformé sur ce point ;
1. ALORS QUE les juges ne peuvent statuer par une affirmation péremptoire sans préciser les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu'en l'espèce, pour juger que la société Compagnie Pétrochimique de Berre rapportait la preuve que les cadres ne pouvaient utiliser les transports mis en place, la Cour d'appel a affirmé que l'heure de fin du service des transports à 16 h 52 « peut nécessairement créer une gêne importante » pour ces cadres « au coefficient de 660 à K 880 » qui ont à « leur charge le management d'équipes plus ou moins importantes (de 2 à 176 personnes), lesquelles contraintes sont nécessairement chronophages et incompatibles avec le service régulier des transports collectifs » ; qu'en affirmant de manière péremptoire que les contraintes des cadres ne leur permettaient pas d'utiliser les transports collectifs mis en place par l'employeur, sans préciser sur quels éléments de preuve elle s'est fondée, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent méconnaître le sens clair et précis des documents soumis à leur appréciation ; que l'employeur a versé aux débats des attestations établies par les huit cadres bénéficiant d'indemnités kilométriques, dans lesquelles ceux-ci n'ont fait aucune allusion aux indemnités kilométriques versées par la société, ni, a fortiori, attesté qu'ils utilisaient ces indemnités kilométriques conformément à leur objet ; que la Cour d'appel a pourtant cru pouvoir retenir que ces salariés avaient « attesté utiliser cette indemnité conformément à son objet pour assurer leur déplacement entre leur lieu de domicile et l'entreprise » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a dénaturé leurs attestations et méconnu le principe faisant interdiction aux juges de dénaturer le sens des documents de la cause ;