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Social Loi Mobilités : un recours devant le Conseil constitutionnel conteste le volet « charte de responsabilité sociale des plateformes » À la suite de l’adoption définitive par l’Assemblée nationale du projet de loi d’orientation des mobilités le 19 novembre 2019, le Conseil constitutionnel a été saisi d’un recours qui conteste la disposition incitant les plateformes de VTC et de livraison à mettre en place des chartes de responsabilité sociale. La loi prévoit la mise en place d’une charte de responsabilité sociale La loi Mobilités entend mieux réguler le système des plateformes de mise en relation par voie électronique, en améliorant les droits des travailleurs indépendants concernés. Parmi les différentes dispositions relatives aux plateformes de VTC et de livraison, la loi incite ces dernières à mettre en place des chartes de responsabilité sociale (c. trav. art. L. 7342-8 et L. 7342-9 nouveaux). La mise en place d’une telle charte est purement facultative. La loi précise qu’elle aura pour objet de déterminer les conditions et modalités d’exercice de la responsabilité sociale de la plateforme, ses droits et obligations, ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elle est en relation. À cet effet, elle dresse la liste des différentes mentions devant figurer dans la charte. Le texte indique explicitement que lorsqu’elle est homologuée par l’administration, l’établissement de la charte et le respect des engagements pris par la plateforme dans ce contexte ne pourront pas caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique entre la plateforme et les travailleurs. Les députés, auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel, remettent en cause les différentes facettes de cette réforme. Le caractère facultatif de la charte et la présomption de non-salariat critiqués Les auteurs de la saisine déplorent le caractère purement « facultatif » de la charte de responsabilité sociale. En outre, les incertitudes entourant la valeur juridique et la portée normative de cette charte conduisent à s’interroger sur son opposabilité. Ils mettent aussi l’accent sur la présomption de non-salariat à l’égard des travailleurs des plateformes. Selon eux, l’option retenue viserait à contourner la jurisprudence du juge judiciaire relative au lien de subordination, alors que dans un arrêt du 28 novembre 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation a ouvert la voie à une possible requalification en relation de salariat (cass. soc. 28 novembre 2018, n° 1720079 FPPBRI). Le législateur aurait ainsi privilégié la sécurisation juridique du modèle économique des plateformes au détriment de la protection effective des « travailleurs indépendants » en relation avec ces plateformes. Les plateformes ne devraient pas avoir toute latitude pour décider seules des droits sociaux Les auteurs de la saisine reprochent au législateur de s’être borné à énumérer huit thèmes obligatoires devant figurer dans la charte sans préciser les garanties sociales minimales devant s’appliquer aux travailleurs des plateformes. En guise d’exemple, la référence à « un prix décent pour la prestation de service » ne permettrait pas d’apprécier quels sont les contours de cette exigence légale. La plateforme serait ainsi libre de déterminer le niveau du « prix décent ». Les plateformes numériques auraient ainsi une marge d’appréciation sans limite pour déterminer la substance des droits sociaux des travailleurs concernés par le biais d’un acte unilatéral. Dans le même esprit, les requérants reprochent au législateur l’absence de tout processus de négociation collective dans la mise en place de la charte. Les obligations de « dialogue », de « partage d’informations » ou de « consultation » envisagées ne suffiraient pas. La différence de traitement entre les travailleurs indépendants pointée du doigt La rédaction des dispositions visées établirait, à plusieurs titres, une différence de traitement entre les travailleurs indépendants en relation avec une plateforme et les autres travailleurs indépendants. La loi prévoyant de réserver le champ d’application de la charte aux travailleurs des plateformes de VTC ou de livraison de marchandises, l’ensemble des travailleurs indépendants ne serait pas couvert, ni même l’ensemble des travailleurs indépendants des plateformes de mise en relation par voie électronique. D’autre part, il y aurait aussi rupture d’égalité entre les travailleurs indépendants en relation avec une plateforme ayant établi une charte et ceux en relation avec une plateforme ne s’étant pas engagée dans cette démarche. Rappelons que le Conseil constitutionnel statue dans un délai d’un mois (Constitution, art. 61). Recours devant le Conseil constitutionnel sur le projet de loi d’orientation des mobilités définitivement adopté le 19 novembre 2019 (art. 44) |