|
Paye Salaire L’employeur ne peut pas brutalement remplacer une pause rémunérée en vertu d’un usage par une augmentation du taux horaire Pour supprimer un usage, il faut soit le dénoncer dans les règles, soit conclure un accord collectif ayant le même objet qui s’y substitue alors automatiquement. Mais supprimer « brutalement » un usage en dehors de ces règles, c’est faire fausse route, comme l’illustre une affaire jugée le 11 mai 2017. Les juges du fond avaient condamné un employeur à verser des dommages-intérêts au titre du non-paiement pendant de nombreuses années de sommes dues en vertu d’un usage, qui consistait à rémunérer les pauses quotidiennes de manière identique aux heures de travail effectif. L’employeur avait supprimé le paiement des temps de pauses en février 2001, alors qu’il augmentait parallèlement le taux horaire de 10 %. Pour se défendre, il a tenté de faire le lien entre les deux, en expliquant que l’augmentation était due à l’intégration du paiement des temps de pause au salaire de base. Les juges du fond ont estimé que, faute de dénonciation régulière de l’usage ou d’accord collectif prévoyant l’intégration du paiement des pauses dans le salaire, c’est de manière irrégulière que les pauses quotidiennes des salariés n’étaient plus payées. La Cour de cassation a donc confirmé la condamnation de la société à payer des rappels de salaire au titre des temps de pause au taux horaire de base. Pour la petite histoire, on signalera que l’affaire s’inscrivait dans le contexte de la mise en place des 35 h, au début des années 2000. Sur un des sites, un accord d’entreprise de mise en œuvre des 35 signé en décembre 2001 avait expressément prévu que les pauses étaient payées au taux horaire de base en supplément du salaire maintenu (donc avec un taux horaire augmenté), de sorte que la question de la dénonciation de l’usage ne se posait même pas. On notera que l’affaire présente un second volet, qui illustre les règles traditionnelles d’indemnisation du préjudice résultant du retard dans le paiement du salaire. L’employeur qui verse avec retard le salaire peut être condamné à verser au salarié des dommages et intérêts compensant : -le retard de paiement : intérêts moratoires (c. civ. art. 1231-6) ; -le préjudice indépendant du retard et causé par la mauvaise foi de l’employeur (cass. soc. 16 février 2012, n° 10-18162 D) par exemple, pour une entreprise ne payant la prime de fidélité que sous la contrainte). Indépendamment des intérêts moratoires, les juges du fond ont estimé que les salariés avaient droit à la réparation du préjudice « nécessairement » subi en raison du non-paiement de ces sommes, et ce malgré les revendications syndicales et les observations de l’inspection du travail favorables aux salariés. La Cour de cassation a suivi les premiers juges sur le premier point (intérêts moratoires), mais pas sur le second. Elle estime que les juges auraient dû caractériser la mauvaise foi de l’employeur et l’existence d’un préjudice distinct du retard apporté au paiement des sommes dues au salarié. Cass. soc. 11 mai 2017, n° 15-22111 D |